A l’heure de la maquette numérique partagée (BIM), des objets connectés ou encore des innovations en matière de performance énergétique, l’innovation est au cœur des préoccupations des acteurs de la construction. Comment concilier innovation, qualité, coûts et délais ? C’est l’enjeu de l’article 49 de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (Essoc).
Promulguée au Journal officiel du 10 août 2018, la loi État au service d'une société de confiance (Essoc) a pour objectif de rendre la réglementation moins prescriptive, plus ouverte à l’innovation.
Cette loi a habilité le gouvernement à prendre deux ordonnances :
- Une première, transitoire, visant à faciliter la mise en œuvre de solutions alternatives, dites solutions d’effet équivalent, au droit commun dans les projets de construction (ordonnance du 31 octobre 2018),
- Une seconde, pérenne, portant sur les travaux de réécriture des règles de construction en objectifs généraux et résultats minimaux à atteindre, et non plus en obligation de moyens ; elle doit paraître en février 2020, suite aux groupes de travail et aux retours d’expérience des projets tests.
Le décret n°2019-184 du 11 mars 2019 fixe les conditions d'application de l’ordonnance I, notamment le contenu du dossier de demande et le contenu de l'attestation d'effet équivalent (AEE).
Permis d’expérimenter : comment ça marche ?
Le maître d’ouvrage peut déroger à la réglementation pour un certain nombre de points (thermique, incendie, acoustique…, cf. ci-dessous) sous réserve qu’il apporte la preuve qu’il parvient à des résultats équivalents.
Quels chantiers seront concernés ?
L’article 49 de la loi Essoc vise surtout les chantiers de grande envergure, tels que les Opérations d’intérêt national (OIN), les Grandes opérations d’urbanisme (GOU), les Opérations de revitalisation du territoire (ORT) ou encore le futur Village olympique de Paris 2024.
Quel est le champ d’application du permis d’expérimenter ?
Le permis d’expérimenter peut être utilisé par tout maître d’ouvrage d’une opération de construction nécessitant une autorisation d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou de démolir, déclaration préalable), ou une autorisation spécifique aux établissements recevant du public (ERP) ou aux monuments historiques.
Les dispositions constructives concernées sont décrites dans l’article 3 de l’ordonnance I :
- la sécurité et la protection contre l’incendie (en ce qui concerne la résistance au feu et au désenfumage, et seulement pour les bâtiments d’habitation et les établissements recevant des travailleurs - ERT)
- l’aération des bâtiments d’habitation
- l’accessibilité du cadre bâti (habitation, ERP, ERT)
- la performance énergétique et environnementale
- les caractéristiques acoustiques (habitation)
- la construction à proximité de forêts
- la protection contre les insectes xylophages
- la prévention du risque sismique ou cyclonique
- les matériaux et leur réemploi
- les dispositions particulières aux collectivités d’outre mer
Concrètement, comment faut-il procéder pour mettre en œuvre une solution d’effet équivalent (SEE) ?
Les étapes à suivre sont les suivantes, selon le guide d’application du Permis d’expérimenter de la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Patrimoine (DHUP) :
- Le maître d’ouvrage missionne un organisme indépendant qui lui délivre une attestation
- Le maître d’ouvrage fournit son dossier de demande à l’organisme indépendant
- L’organisme indépendant analyse le dossier et, s’il valide la solution, il produit l’attestation d’effet équivalent (AEE) et la fournit au maître d’ouvrage,
- Le maître d’ouvrage joint l’attestation à sa demande d’autorisation d’urbanisme
- Le maître d’ouvrage missionne un organisme indépendant, différent de celui ayant réalisé l’attestation et qui doit obligatoirement disposer de l’agrément de contrôleur technique. Cette mission est dénommée AMOSE, pour Attestation de mise en œuvre de la solution équivalente
- Cet organisme vérifie que la mise en œuvre de la solution est conforme aux règles énoncées dans le dossier de demande d’attestation, validées et rappelées par l’attestation. Il délivre à la fin des travaux une attestation de bonne mise en œuvre de la SEE.
Quelles sont les pièces à fournir dans le dossier de demande d’attestation ?
Le contenu du dossier de demande est précisé à l’article 7 du décret du 11 mars 2019. Les éléments demandés visent à prouver la validité de la solution alternative proposée et à vérifier que celle-ci ne porte pas atteinte au respect des autres dispositions applicables à l’opération, notamment celles relatives à la santé et à la sécurité.
Quels sont les organismes compétents pour délivrer les attestations d’effet équivalent (AEE) ?
Pour toutes les thématiques, à l’exception de la sécurité et de la protection contre l’incendie, les organismes reconnus compétents pour délivrer une AEE sont :
- Les contrôleurs techniques,
- Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB),
- Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
Pour la sécurité et la protection contre l’incendie, seuls les laboratoires agréés ou organismes reconnus compétents par le Ministère de l’Intérieur sont compétents pour délivrer une AEE.
Quant au bureaux d’études qualifiés avec un haut niveau de compétence, ils peuvent également délivrer des AEE, mais uniquement pour des projets portant sur certaines thématiques : aération, accessibilité du cadre bâti, performance énergétique et environnementale, acoustique, matériaux et réemploi.
Quels sont les organismes compétents pour vérifier la bonne mise en œuvre des solutions d’effet équivalent ?
Les organismes compétents sont ceux qui disposent de l’agrément de contrôleur technique de la construction.
La FILIANCE, fédération des acteurs tierce partie agréés pour l’activité de contrôle technique construction, propose une mission AMOSE (Attestation de mise en œuvre de la solution équivalente) à destination des maîtres d’ouvrage souhaitant innover dans la construction.
Cette mission est une vérification technique de conformité dont le référentiel et l’objet sont définis par l’attestation de solution d’effet équivalent. Elle fait l’objet de livrables différents de ceux du contrôle construction tel que défini à l’article R.112-5 du Code de la construction et de l’habitation.
Est-ce que le permis d’expérimenter risque de faire baisser le niveau de sécurité des constructions ?
Permettre des expérimentations ne signifie pas transiger sur le niveau d’exigence attendu. Les organismes indépendants sont là pour s’assurer du fait que les solutions d’effet équivalent sont valides et bien mises en œuvre. Ils sont en quelque sorte des « garde-fous » de la sécurité des constructions innovantes.
De plus, il est prévu que les autorités compétentes (préfet, maire…) puissent visiter les opérations, procéder à des vérifications et se faire communiquer des documents techniques jusqu’à 3 ans après l’achèvement d’un projet.